Une tour Eiffel contre un Bilboquet

Matin calme, 6 heures, petite promenade à vélo puis à pieds dans les méandres du lac. Des champs de nénuphars, les cris des rapaces, les vols des couples d’aigrettes au-dessus des eaux, quelques chants de crapauds. L’humide sous les feuillages verts, la grisaille et la brume posée 20 mètres au-dessus de la surface. Le chemin de terre noire qui passe les petits ponts de bois rongés par le temps et les intempéries. Puis les grosses gouttes qui s’explosent dans le lac : au début il y en a si peu que tu pourrais les compter… une petite minute après, c’est un rideau de flotte qui s’abat sur  l’instant où tu pensais avoir trouvé de quoi méditer. Alors tu remontes sur ton vélo, et à l’arrivée à l’hôtel pour le petit déjeuner, tu es trempé… mais heureux de ce réveil en pleine nature.

Allez aujourd’hui ce ne sera pas trop difficile. Une quarantaine de bornes pour nous rendre à l’ultime étape sur Hokkaïdo : Hakodate, la porte d’entrée, par laquelle nous sortons, de l’Ile du Nord. On y prendra le ferry pour rejoindre Aomori, demain, sur l’Ile d’Honshu et la suite de notre périple.

En attendant, pour agrémenter la journée, nous décidons de faire un petit détour par un petit col menant à la « Choei Shirotai Farm », au pied du mont Nanedake. La route est belle mais assez étroite et surtout bien raide : une dizaine de kilomètres dont 5 entre 8 et 11%, c’est un bon exercice pour préparer les jours à venir, pendant lesquels on s’attend à un accroissement constant de la difficulté jusqu’aux Alpes Japonaises, dans une petite semaine.

La pluie se met à tomber fort peu avant le sommet, et à la bascule nous trouvons abri dans une boutique ventant encore quelques produits laitiers issus des vaches locales. Le Commodore et moi ingurgitons une glace vanille au moment où le Professor, après avoir ignoré la peau de banane pourtant disposée opportunément en forme de flèche pointant sur la gauche au croisement, passe nonchalamment et sous une pluie battante, sans même lever la tête, à 200 mètres du refuge d’où nous l’observons sans pouvoir rien faire d’autre. La glace terminée, il nous faut nous jeter sous la pluie pour partir à sa poursuite dans la sinueuse descente qui mène à Hakodate. Nous le rattrapons au pied de celle-ci.

Dans les faubourgs, nous nous arrêtons devant une petite boutique de vélo, pour faire réparer la roue de Jean-Yves qui a pris un gros voile depuis hier. Le patron s’occupe de l’affaire pendant que sa femme et sa fille nous accueillent, nous servant un thé. En quelques minutes le rayon défectueux est changé, la roue est dévoilée, et le vélo est remonté. Pour sourire et service rendus nous remettons une « tour Eiffel de la qualité de service » à notre bienfaiteur. La cérémonie donne lieu à de nombreux remerciements et saluts, de grands sourires et de chaleureux « au revoir ».

Nous n’avons que quelques dizaines de mètres à faire pour nous retrouver au petit restaurant que nous a indiqué la patronne. Au moment de commander notre plat de nouilles habituel, la fille du magasin de vélo surgit dans la salle avec un petit présent pour nous : c’est un mini-bilboquet Japonais !

Arrivés à l’hôtel assez tôt, nous y déposons nos bagages et filons découvrir les beaux quartiers de la ville. Pour profiter pleinement de la fin de journée, nous prendrons l’une des dernières bennes qui mènent au mont éponyme. De là, parmi des dizaines d’autres touristes, nous admirerons le coucher du soleil sur la baie, derrière le mont Shoji. Les instants de contemplation passés là-haut resteront parmi les plus belles du road-trip d’Hokkaïdo. Demain il faudra quitter cette ile si singulière pour descendre plus au sud sur l’Ile d’Honshu, la plus vaste des 4 qui composent le pays. Nous quitterons le grand Nord, bout du monde des Japonais, pour progresser vers les mégapoles que nous atteindrons, si tout va bien, dans une dizaine de jours.

 

 

Hakodate : Hôtel New Ohte ***

 

 

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