La Queue du Typhon
Assis sur des tatamis, pause clope et compte rendu… avant le bain chaud dont on rêve depuis des heures…
Hier soir Jybe me disait : « au Japon tu peux tout faire… tu verras p’tet tu feras du ski »… Et puis il y avait eu ce reportage à la télé, dans le bar, des 2 mecs de la météo qui disaient que tout était calme, sur un fond d’images fixes des ponts suspendus de Sapporo, avec un petit panneau « attention » qui clignotant entre 3 lignes de kenji ou de katakana… j’sais pas j’y comprends rien en japonais…
Bon oui.
Et puis ce matin au départ il faisait gris, et dans Sapporo y’avait bien quelques panneaux lumineux qui disaient de prendre son parapluie (oui parapluie c’est facile à repérer dans les katakana et les kenji).
Bon oui.
Et puis on est sortis de Sapporo… Et là, on est entré dans une lessiveuse qui dépasse de loin la Pingeon 2004 ou la granite Mont Lozère 2006… Un « truc de guedin » et sans aucun répits jusqu’à l’arrivée, et au onsen que je m’apprête à rejoindre avec le Commodore et le Professor… 105km de flotte de seaux d’eau, de déferlantes, de vagues, de tsunamis, de tasses, flaques, puits, lacs et torrents. On aurait dû voir des volcans et un lac magnifique ; on est arrivé au bord d’une mer intérieure démontée dans un brouillard épais.
La peau fripée.
L’os humide
L’œil éteint
Le regard vide
Cette journée marquera le voyage, c’est certain. Nous avons pris sans discontinuer, par vagues successives, des ondées portées par un vent d’Est contraire à notre progression vers Toya. La pluie était alternativement fine ou massive, mais jamais absente. Nous avons dû rouler à plusieurs reprises dans des torrents d’eau sur la route, qui déferlaient dans la pente.
Jusqu’à Kimobetsu, où nous avons pris une très longue pause-déjeuner en attendant une éclaircie qui n’est jamais venue, nos vêtements ont emmagasiné des kilos de flotte. En haut de ce col, nous avons changé complètement de tenue, nous sommes séchés au souffle chaud des sèche-mains dans les toilettes des hommes, sous les regards compatissants de vieux touristes, descendant de bus perdus eux aussi dans la tempête. Rarement on aura été aussi trempés dans notre vie, et surtout aussi longtemps car cela faisait plus de 3 heures que nous luttions sans relâche.
Au moment de repartir pour la seconde moitié de la journée, la pluie a repris de plus belle.
Nous avons passé quelques tunnels dans lesquels une peur-panique vous prend lorsque revient le bruit effrayant d’un camion entrant à son tour, quelques centaines de mètres derrière. Les bruits des pneus sur le revêtement strié, du moteur et des essieux sont amplifiés dans cette caisse de résonance, et les secondes à les subir sont extrêmement longues, avant que le camion parvienne à votre hauteur… On ne sait d’ailleurs jamais réellement où il est, et on n’aspire qu’à deux choses :
- le voir devant soi (parce que là on est sûr qu’il nous a vus et qu’il a réussi à nous éviter)
- sortir au plus vite de cet enfer…
Invariablement, à la sortie du tunnel, on prend une gifle de flotte en pleines joues, la pluie fine entre dans les yeux et vous pique un peu… mais ce n’est pas grave pour moi : mieux vaut la pluie et le vent que la menace de se faire rouler dessus par un 38 Tonnes …
Arrivée en bordure du lac Toya, on a l’impression d’une mer démontée. On perçoit les vagues dans un brouillard épais. La pluie a baissé d’intensité.
A l’entrée du Ryokan, les patrons pour une fois manquent un peu de sympathie. Visiblement, notre look de vagabonds transis et trempés ne séduit pas complètement la patronne qui nous demande instamment de nous sécher avant d’entrer dans son établissement… ce que nous faisons à grand peine, vu l’état de nos fringues et de nos sacoches.
Après une bonne demi-heure de « soins », nous répondons aux exigences édictées et pouvons occuper enfin notre chambre.
A l’heure des poules ce soir, nous dormirons.
Lac Toya : Daiwa Ryokan **
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